Je me sens au départ comme une étrangère, unique « chercheuse en résidence » et sans mission définie pour le Campus. Je serai ensuite élue représentante des Compas, étonnement, grâce au sortir d'une élection sans candidat qui me laisse sans voix, mais pas encore sans mot. Enfin, j'espère. Je suis inscrite en thèse de littérature et langue françaises sur le sujet des imaginaires et savoirs des modes de reliance, des manières d'être vivants. Mon travail de recherche m'occupe à plein temps, le Campus aussi. Celui-ci m'offre un terrain de choix, bien qu'il soit absolument anachronique au vu de mon champ d'étude et des méthodologies de ma discipline. Chercheuse embarquée, au carrefour de mille projets.
J'intègre rapidement le groupe de travail Opération Sibérie, que nous parviendrons à renommer, après moult réflexions collectives, Opération Chalheureuse. Ce qui nous porte, et ce qui m'attire dans cette recherche-action axée sur les questions de sobriété thermique, c'est cet a priori tant axiologique qu'épistémique : le froid a aussi des définitions subjectives et la convivialité d'un lieu, d'un collectif peuvent modifier le ressenti physiologique. Le froid relie, et cela commence par ce groupe de travail. Nous héritons de l'historique des cinq derniers hivers et d'un nuage d'hyperliens qu'il nous faudra trier. Ce premier apprentissage est bien arpent-tissage, nous nous inscrivons dans un maillage de fils de faire, les chantiers de rénovation thermiques ont abouti, le dernier en date étant le remplacement des fenêtres par du double vitrage, et de fils d'être, les pratiques de soin et d'attention aux dispositifs thermiques pour « réchauffer les corps » puis « réchauffer les espaces » étant bien rodées.